Sénestre Petit-gris.
Tags:
escargot | différence | isolement | acceptation | fierté .
Sénestre Petit-gris.
Dans le jardin d’une maison de campagne vivait une maman escargot du nom de Bégonia Petit-gris. Elle avait passé des jours à creuser la terre pour y installer ses œufs.
Par une douce et pluvieuse matinée de printemps elle alla retrouver le trou dans lequel elle avait pondu quelques semaines plus tôt. Elle essayait d’aller aussi vite qu’un escargot le pouvait, impatiente de rencontrer tous ses petits. A son arrivée et toute attendrie elle regarda les vingt petits escargots se diriger vers elle avec maladresse. Comme ils étaient beaux et si fragiles avec leurs fines et minuscules coquilles à spirale ! Son regard s’arrêta sur l’un d’entre eux.
« Ça alors, comme c’est étrange ! – s’étonna-t-elle. La spirale tourne à l’envers, je n’avais encore rien vu de tel … Cela fait des années que je vis dans ce jardin et tu es bien le seul à porter pareille maison ! » Le petit escargot baissa honteusement les yeux après avoir constaté que ses frères et sœurs l’observaient avec curiosité, toutes cornes dehors. La surprise passée sa maman s’approcha de lui et lui dit tendrement :
« Je vais t’appeler Sénestre car c’est comme cela que l’on nomme ta coquille » Quelques semaines plus tard, alors que Bégonia emmenait ses petits manger les feuilles fraiches des plantes à massif, elle constata que la nouvelle s’était vite répandue au jardin. Petits animaux et insectes en tous genres se pressaient pour voir de leurs yeux Sénestre Petit-gris.
« Cet escargot est vraiment à part, foi de coccinelle ! » déclara Axelle en hochant la tête d’un air désolé.
« En plus d’être lent il est à contre courant » chantonna une pie sur la branche du cerisier en fleur. Albert le vers de terre sortit de son trou et, bien qu’il n’y voyait rien, ajouta d’une voix qui se voulait consolatrice : « Ma bonne dame Petit-gris,notre mère Nature à dû faire une erreur … » Bégonia, vexée et en colère répondit : « La seule erreur ici c’est votre méchanceté ! Je suis heureuse d’avoir mon petit Sénestre qui ne ressemble à aucun autre et ce que vous dites ne pourra rien y changer ! »
Elle chercha du regard le petit escargot qui s’était réfugié dans son abri. Ayant terminé le repas la famille escargot quitta les lieux.
Les mois passèrent et, un à un, les frères et sœurs de Sénestre s’éloignèrent dans les jardins des maisons voisines. Sénestre, lui, ne se sentait pas prêt. Bien qu’il avait un peu grandi il ne pensait pas être capable d’affronter les dangers du jardin : Les humains, les obstacles, les autres animaux qui pourrait faire de lui leur repas…Il préférait sortir lorsque les journées d’automne étaient pluvieuses ou humides. Il se cachait dans sa coquille, à l’ombre d’une fleur ou sous les pierres de la rocaille quand il faisait soleil.
Un jour, alors qu’il escaladait le bac à sable, il sentit une main le saisir. Effrayé il se cacha au fond de sa maisonnette lorsqu’il entendit : « Youpi, un escargot !! Viens Maude nous allons le montrer à papa ! » C’était deux fillettes qui s’amusaient, cherchant coccinelles, sauterelles, escargots et papillons pour se distraire. Maman Petit-gris n’avait pas toujours dit du bien des humains : Parfois ils marchaient sur les coquilles et il était alors difficile de réparer la maisonnée. Cela pouvait prendre des semaines ! Quelques fois il était même impossible de faire quoi que ce soit …
« Papa, papa regardes ! Nous avons trouvé un escargot. Tu peux nous donner une boite pour le mettre dedans s’il te plait ? » Sénestre se sentit tomber dans une grande main, être manipulé, tourné de tous cotés avant d’entendre une voix rauque dire calmement : « Non Rosélia, ton escargot a une coquille spéciale…Tu vois le petit tourbillon ? Il tourne à gauche et c’est très rare ! Relâches-le, tout ce qui est rare doit être protégé. »
Les petites filles redéposèrent Sénestre dans la rocaille et s’en allèrent à d’autres occupations, un peu à contre cœur. Après quelques secondes Sénestre sortit timidement une antenne, puis deux avant de sortir de sa cachette. Les mots résonnaient dans sa tête : tout ce qui est rare doit être protégé. « Ça alors, les humains ne m’ont pas capturé et m’ont relâché sans me faire de mal !! » réalisa t-il, stupéfait. Le soir tomba et, alors qu’il rejoignait sa mère, il croisa les autres habitants du jardin (insectes, oiseaux, rongeurs…). Quelque chose avait changé dans leurs regards : Il n’y lisait plus de la moquerie mais de l’admiration.
L’hiver pointa son nez et il fallut hiberner (dormir jusqu’au printemps). Alors Sénestre entra dans la chaleur de sa maison, ferma la porte d’une fine membrane et s’endormit sous la voute d’une pierre. Au printemps suivant Sénestre sentit les premières gouttes de pluie résonner sur sa coquille en le tirant de son long sommeil. Il sortit péniblement et tout engourdi. Telle ne fût pas sa surprise en voyant le nombre d’habitants du jardin réunis autour de lui. Ils l’accueillirent en criant joyeusement « Pour Sénestre Petit-gris : hip,hip,hip…Hourra !! » Ils s’affairaient auprès de celui qui avait été respecté des humains.
Peu à peu (et en apprenant à le connaitre) les animaux l’aimèrent bien vite pour ses qualités et aussi pour ses défauts ( il était souvent en retard et bavait tellement, forcément !). Dans tout le voisinage on parlait du célèbre escargot.
Il était devenu plus grand et portait toujours sur son dos sa coquille si spéciale. Sénestre comprit alors que sa différence le rendait unique et qu’il devait en être fier. A bien y regarder chacun de ceux qui l’entouraient l’était aussi, à leur manière…
Fin